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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

— Vous avez raison, l’orage était cependant terrible, l’autre jour ; il nous a surpris chez le curé de Saint-Marc, que nous étions allés visiter. Je ne saurais vous dire quelle horrible peur m’a fait cet orage ! Les cloches de l’église tintaient à vous rendre sourd… M. l’intendant, par contenance et pour ne point m’effrayer en paraissant lui-même avoir peur, feuilletait plusieurs livres de la bibliothèque du curé, quand il tomba tout d’un coup sur le registre des morts de la paroisse, et…

— N’avez-vous pas entendu gratter à la porte, baronne ; peut-être Finette, qui m’amène Maurice… Je ne puis me soulever, j’ai une migraine affreuse…

L’intendante reprit, après s’être levée et avoir prêté l’oreille à la porte :

— Vous vous trompiez, marquise, personne ne venait. Je vous disais donc, reprit-elle avec une tranquillité imperturbable, que sur le registre mortuaire de la paroisse de Saint-Marc, nous avons trouvé sans peine le nom de M. de Langey… C’est un noble de la partie espagnole de l’Ile, le comte de Cerda, qui vint lui-même remplir ce triste office près de M. le curé de Saint-Marc.

— On me l’a écrit, baronne : j’étais à cette triste époque à la Guadeloupe. J’ai perdu mon mari le 3 janvier de cette année ; il était à la veille de remonter l’Ariane, bâtiment qui devait me le ramener…

— Le registre, continua mielleusement Mme l’intendante, porte que le comte de Cerda, accompagné de deux noirs de San-Yago, pourvut lui-même à tous les frais de sépulture… Je regrette, en vérité,