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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

comprendre suffisamment à toute autre femme qu’à Mme l’intendante que la marquise désirait demeurer seule ; mais la baronne d’Esparbac n’en tint compte.

— Vous êtes une vraie déesse, ma toute belle, et je pense que l’on peut bien pénétrer dans votre sanctuaire… à mon âge !

La baronne s’éventa après cet aveu, qui sans doute lui avait coûté.

— Quel roman lisez-vous là ? continua-t-elle. Elmire, ou les Malheurs de l’inconstance ? Vous me le prêterez, et M. d’Esparbac me le lira. Il faut que je vous dise que j’ai trouvé un moyen délicieux d’utiliser mon mari. Il me lit tout les romans de France, ma chère !

— Tous ?

— Ou du moins les plus huppés. Que cela est fade, bon Dieu ! auprès de la vie que nous menons ici dans la belle saison ! Voilà dix-neuf ans bientôt que j’habite la colonie avec M. l’intendant, et je puis dire que je m’y suis divertie ! À propos, quelle sorte de compagnie aviez-vous donc, l’autre soir, ma divine ? — Des joueurs acharnés au biribi, comme ce petit de Vannes, ou le conseiller, qui, lorsqu’il perd, a de l’humeur comme un dogue ! Pour les femmes, passe, il n’y avait que moi… Mais il faudra changer tout ce monde… Nous autres de Saint-Marc, nous vous aiderons…

Le rideau à franges roses qui servait de porte d’entrée se leva, et Mlle Finette s’avança dans le boudoir escortée de deux valets noirs portant des caisses.