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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

en bon état ? Pour les instrumens de jardinage, je veux que vous les voyiez. L’état des malades est satisfaisant, et…

La marquise s’empressa d’avertir Finette pour qu’elle fît avancer sa calèche, qui l’attendait à peu de distance ; elle avait assez de l’éloquence verbeuse du gérant et se trouvait déjà fatiguée de la promenade. Les deux laquais la portèrent bientôt jusqu’à sa calèche, qui partit au milieu d’un attroupement confus de noirs. Quand elle passa vers les dernières cases, les mulâtresses, tant vieilles que jeunes, se levèrent par respect. Platon et le procureur de l’habitation de Breda écartaient à coups de fouet les négrillons qui tendaient la main vers la voiture.

La négresse ne fut tirée de l’espèce d’apathie où l’avait plongée le péril couru par son enfant que par le bruit du fouet et le retentissement de la voiture sur le sable. Les douces senteurs du soir venaient de s’abattre déjà de toutes parts sur le sol, le fond du paysage était zébré de longues bandes d’azur. Saint-Georges s’était jeté sur la natte de la case, épuisé par la fatigue ; la sérénité siégeait sur sa douce figure d’enfant : vous eussiez dit un jeune pasteur d’Égypte endormi. En le regardant ainsi reposer, sa mère ne pouvait songer sans frémir encore aux périls qu’il avait courus parmi les monts hérissés et la vase épaisse de ces marais. Les poissons dangereux, tels que les caïmans et les bécunes, qui peuplent les eaux de Saint-Domingue, apparaissaient à ses yeux comme autant de monstres que l’adresse et le courage de l’enfant avaient domptés. De cette contemplation tacite