Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/158

Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

cureur, et puisque votre enfant ne veut pas parler, je vais tout vous dire, moi. Apprenez donc que ce matin en me venant chercher pour la chasse, ainsi que je le lui avais demandé, il s’est battu…

— Battu, s’écria Noëmi avec angoisse.

— Oui, battu, battu aux couteaux, rien que cela.

— Et avec qui ?

— Avec un nègre assez robuste de notre habitation, le nommé Toussaint Breda. Une simple querelle de maquignons.

— Comment cela ?

C’est la suite du triomphe obtenu hier par Saint-Georges comme maquignon sur Toussaint. Le nègre a été furieux de se voir vaincu par le mulâtre. Ils ont joué des couteaux ce matin ; mais nous étions là !

— Vous, monsieur le procureur ? s’écria Platon avec un sentiment d’humanité dont il avait pourtant perdu l’habitude.

— Moi-même ; nous étions convenus de les séparer au premier sang… Ce n’est pas moi qui laisserais sacrifier un de mes nègres ! Je sais trop leur prix… Je l’ai coté là sur mon carnet !

— Mais Saint-Georges m’appartient !

— D’accord… Aussi n’ai-je regardé la chose que comme un combat de coqs ! Allez, soyez tranquille, le mulâtre a rudement frotté le nègre !

— Voilà un bien misérable exemple pour les noirs ! reprit Joseph Platon ; vous, un procureur d’habitation, assister à ce combat !

— Comment donc, mon cher ! Mme la marquise aurait elle-même bien ri de voir Toussaint l’œil enflé,