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NOËMI

Noëmi baissa la tête. Il y a chez les négresses une sorte de honte instinctive. Celle-ci ne voulait pas donner à Mme de Langey le droit de la mépriser. Elle se hâta de reprendre en relevant le front :

— Oh ! mais c’est qu’alors j’étais belle, si belle, madame, que M. de Latour, un peintre français, fit ma miniature… Voyez !

Et Noëmi détacha de son cou un médaillon qu’elle présenta à la marquise.

Dans ce portrait, elle était peinte avec un simple madras ; ses cheveux, le bronze de son teint, y contrastaient heureusement avec la blancheur éblouissante de ses dents.

La marquise, en comparant l’original au portrait, sourit de ce sourire qui retombe de tout son poids sur l’être dégradé ; elle passa le médaillon à Finette… La mulâtresse, dans un geste étourdi, le laissa tomber.

Le verre vola en éclats, deux grosses larmes sillonnèrent les joues de Noëmi… Elle ramassa le médaillon et fut le serrer près d’un petit crucifix que lui avait donné le curé de Saint-Marc.

— Madame la marquise, dit Platon, me permettra sans doute d’augmenter la portion de terrain consacrée à Noëmi ? Cette négresse a la connaissance de plusieurs simples qui croissent dans l’île ; elle nous a rendu de véritables services…

Noëmi sourit de ce sourire hébété qui semblait indiquer le peu de cas qu’elle-même faisait de sa science ; bien souvent on l’avait vue se diriger vers l’hôpital des nègres pour leur porter sa petite phar-