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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

Platon supposait avec raison perdu pour l’habitation de la Rose à tout jamais, il lui importait de prouver du moins que ses nègres étaient entretenus proprement, qu’ils vivaient en bonne intelligence, et que le moussa et le tumtum ne leur manquait pas. Mme de Langey avait habité la Guadeloupe, et Platon jugea qu’elle aurait le droit de se montrer difficile. Le raccommodage étant parmi les nègres une sorte de déshonneur, le gérant leur avait fait distribuer, dès le matin, un équipement nouveau : c’était pour les hommes plusieurs pantalons de zinga, des jupons à longue queue pour leurs femmes, des boucles d’oreilles et quelques verroteries pour les mulâtres. Les nègres infirmes avaient reçu l’ordre de rester à l’hôpital, comme ne devant pas attrister la vue. Pour les mulâtresses, quelques-unes s’attifaient déjà avec une certaine coquetterie devant leurs cases et parfumaient leurs cheveux avec l’huile odoriférante du palmier à chapelet, après s’être vêtues de leur mousseline la plus blanche.

Mme de Langey apparut bientôt avec Finette aux portes de la bananerie. Les mulâtres préposés à la garde de cet emplacement, dont l’entretien constitue dans chaque habitation créole leur meilleure nourriture, rentraient alors les bananes convenables à la consommation du jour, pendant que plusieurs, assis en rond devant les portes des cases, chantaient quelque air du pays sur un rhythme lent et mélancolique. De distance en distance on apercevait des ajoupas construits dans la place pour préserver les noirs de la pluie ; quelques nègres commandeurs,