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UN NÈGRE ET UN PERROQUET.

sein et que cette étampe indiquait le nom et la résidence de son propriétaire ; puis, il y avait eu chez lui vocation, le jongleur l’avait catéchisé pendant un mois ! M. Printemps ne se dissimulait pas que le négrillon de douze à seize ans se vendait de 11 à 1 500 liv. ; mais il serait arrivé pour Zäo tôt ou tard certains cas rédhibitoires, le mal caduc, par exemple, autrement appelé mal Saint-Jean, maladie que les fréquentes illuminations du vaudou lui auraient donnée. En un mot, ce n’était point un nègre pièce d’Inde[1], un nègre dont la perte dût entraîner celle de 2 400 livres !

Joseph Platon, malgré les beaux calculs du maître d’hôtel, dont il ne goûtait guère le raisonnement, demeurait encore stupéfait de l’aventure quand le domestique noir de Mme la marquise vint l’avertir que la compagnie l’attendait et que la collation était finie. Le malheureux gérant de la Rose trouva en effet Mme de Langey assise dans le grand salon, pendant que quelques jeunes officiers du Port-au-Prince multipliaient déjà leurs agaceries autour d’elle. Diverses tables de jeu étaient préparées autour de Mme de Langey pour ses hôtes, qu’elle avait accueillis malgré sa fatigue, autant dans la crainte de s’ennuyer que par le désir de se former vite une cour. Après avoir proposé un biribi à un lieutenant de vaisseau et à Mme l’intendante, qui avaient fini par s’en accommoder, elle avait arrangé un cavagnol entre un conseiller du Port-au-Prince et le procureur de l’habitation de

  1. C’est-à-dire âgé de dix-huit à vingt ans.