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UN NÈGRE ET UN PERROQUET.

de ne pas entendre. Noëmi avait eu soin de mettre dans une des poches de sa casaque une gourde d’excellent vin ; quelques gorgées lui rendirent courage à demi-route. On arriva bientôt à la grille de la Rose. Joseph Platon ne fut pas peu surpris en approchant de voir plusieurs bandes de nègres en désordre : les uns sautaient, d’autres criaient ; il y en avait qui éteignaient brusquement leurs torches. L’un d’eux s’approcha de lui, quand il descendit de sa monture, pour lui faire lire un papier semé de lignes rouges et de signes auxquels il ne comprit rien. Le gérant de l’habitation de la Rose se vit bientôt conduit à la chambre ou plutôt à la prison dans laquelle il avait enfermé Zäo : là il trouva M. Printemps qui verbalisait. Zäo s’était enfui avec le vaudou pour les Grands Cahos, retraite ordinaire des noirs marrons.

À la vue du maître d’hôtel remplissant par intérim les fonctions de haut justicier, M. Platon s’emporta beaucoup ; il demanda comment le captif avait pu scier si habilement les barreaux de la fenêtre. M. Printemps ne lui répondit qu’en lui remettant, avec un soupir, un de ces petits couteaux que les nègres nomment jambettes, couteaux semblables à une lime grossière par les brèches faites au tranchant de la lame. Le vaudou avait laissé une lettre à l’adresse de Noëmi ; elle était en langue guinéenne. Joseph Platon en demanda l’explication à l’un des noirs, qui s’en fit de la sorte le traducteur :

« Votre neveu Zäo me charge de vous apprendre qu’il se sent né pour de grandes choses. Il a eu, cette nuit même, une vision de Dompête, qui lui a apparu