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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

religieuse avait paru à l’enfant la porte du ciel. La veille, il n’envisageait Maurice qu’avec une sorte de frayeur respectueuse ; à la sortie de l’église, il marcha presque son égal en voyant les noirs se ranger d’eux-mêmes devant Noëmi, comme si elle eût accompli un acte surnaturel… La négresse le tint longtemps serré contre sa poitrine, qui battait avec violence ; le sourire sur les lèvres et les larmes dans les yeux, Noëmi semblait murmurer en elle un chant d’allégresse intérieure… Elle-même lui tendit l’étrier quand il dut remonter en selle : un baiser la récompensa de ce soin. Noëmi, plus vaine que jamais de son enfant, le regardait comme une vierge altière du Titien, regarderait Jésus.

Cependant la berline, remorquant à sa suite un honnête carrosse des temps passés, où se trouvaient M. et Mme l’intendante, laissait derrière elle les ormes de l’église. Avec quelle joie Saint-Georges retrouva-t-il les regards flatteurs de tous les habitans de Saint-Marc ! avec quel orgueil enfantin vit-il le soleil ruisseler à flots sur cet équipage dont il était le guide ! Il continuait à le maintenir en tête de tous les autres. La course n’était pas si rapide cependant qu’il n’eût le temps de s’apercevoir des louanges et des gâteries de Finette ; il l’entendait vanter derrière lui sa bonne grâce à cheval. Cette fille était de sa couleur, et, à ce titre, elle lui devait protection. Elle causait de lui avec la nourrice, pendant que Mme de Langey demeurait rêveuse au fond de la voiture. M. Joseph Platon avait beau crier à son élève de ne pas aller si vite, Saint-Georges n’en tenait compte et feignait