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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

giste… Le jeune mulâtre, appuyé contre un des pilastres extérieurs de l’église, avait contemplé d’abord à distance le baptême de Maurice comme un tableau dont il n’osait approcher, n’étant pas initié à la sainteté du lieu. Il n’avait compris qu’une chose de cette solennité, la blancheur des dentelles et de la peau de Maurice, l’enfant blanc pour l’enfant mulâtre devant être toujours un objet de culte ou d’envie. Mais en voyant Noëmi entrer résolument dans ce lieu, y assister, le front contre terre, à ces chants qu’il ne comprenait pas plus qu’elle, il s’était hasardé à l’approcher, n’ayant pas oublié qu’il avait trouvé dans le prêtre de cette église une aide touchante, inattendue.

— Quel nom donnerai-je à votre fils, Noëmi ? reprit le curé de Saint-Marc, élevant la voix avec fermeté.

— Le nom de Saint-Georges, répondit-elle.

Agenouillée contre le marbre du baptistaire, la négresse, en parlant ainsi, fixait avec orgueil Mme de Langey. Dans ce cœur qui ne battait que pour son fils, il se livrait alors un de ces combats sublimes dont les anges seuls admirent la beauté sans aucun voile.

Dès que l’eau du prêtre, cette même eau qui avait touché le front de Maurice, eut touché le front du mulâtre, Noëmi se releva, et les deux enfans que l’Église venait de faire chrétiens virent fermer sur eux les portes du temple.

Quelque étrange que dût sembler ce double baptême à la marquise, elle se remit bien vite de sa mau-