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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

plage pour racheter des âmes à Dieu, ne fécondait plus le courage au cœur de leurs descendans apostoliques. Effrayés par tout l’appareil de force dont se faisait précéder le pouvoir colonial de la métropole, ils n’osaient agir aussi ouvertement qu’autrefois pour la cause de l’Église. Intéressés à reconnaître ce pouvoir, ils se contentaient des vertus humbles et pacifiques de leur état ; on ne les voyait plus la croix haute, par les chemins, promenant les images à châsses d’argent, les statues, les ex-voto, au son des cloches et des acclamations de tout un peuple avide de se suspendre à leur parole. La raillerie philosophique les intimidait. En abordant la hutte du noir, leur charité devenait presque tremblante. Et cependant c’était toujours la même croix de bois qui avait sauvé le monde, c’était la même piscine ouverte aux infirmes, le même doigt qui guérissait l’âme et le corps !

Le spectacle d’une cérémonie pareille eût donc intéressé doublement toute autre femme que la marquise de Langey, en faisant remonter ses regards du fond misérable et méprisé des cabanes noires jusque sur le berceau de Maurice. Un grand nombre de nègres demeuraient encore agenouillés hors de l’église, pendant qu’elle se tenait debout à côté du baptistaire ; vous eussiez dit une princesse du Bas-Empire devant son évêque. Elle avait passé la main avec une douceur toute maternelle entre les cheveux de l’enfant, l’invitant elle-même à s’agenouiller près du prêtre… Malgré sa mutinerie ordinaire, Maurice, à force de bonbons et de caresses, en était venu à son honneur pendant le cours de la cérémonie ; et Mme de