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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

coupable d’une faute légère, Noëmi l’avait considéré comme son sauveur. Elle avait été plus d’une fois au-devant de ses conseils ; son intelligence bornée ne les analysait point, elle demeurait étrangère au dogme, tout en adorant l’apôtre. Un vaudou de sa secte passait-il chez elle pour y secouer la poussière de ses sandales à son foyer, Noëmi lui parlait avec admiration, vous l’avez vu, de cet autre vaudou qui avait fait preuve d’assez de puissance pour conjurer une punition suspendue sur la tête de Saint-Georges ; c’était là tout ce qu’elle avait compris de notre Évangile, la pauvre mère ! sa force agissante, son intervention sacrée, sa main tendue vers le faible ! Dès lors elle était devenue d’une curiosité extrême à l’endroit de ce pouvoir qu’elle avait jugé devoir être son unique sauvegarde ! Émerveillée de ce qu’il avait risqué pour elle, la négresse le considérait comme une arme à toute épreuve pour son enfant. Si incertaines que fussent ces lueurs, ces adorations, ces extases, elles plaçaient Noëmi sur la pente d’un terrain nouveau pour elle. Un prêtre de sa secte n’eût pas délivré son fils, un prêtre qui n’était pas de sa religion l’avait préservé, et cela sur une terre où l’homme ne régnait que par le mal !

Rien au monde n’avait égalé la reconnaissance de Noëmi, si ce n’est peut-être son étonnement. La seule fois qu’elle était entrée dans son église, sa nature abaissée s’était relevée de tout l’orgueil qu’inspire un air libre ; en voyant la Vierge, son nouveau né dans les bras, elle avait prié machinalement…

La douleur qu’elle éprouvait de se voir retenue loin