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LE DÉPART.

le tricorne galonné de M. Printemps, le maître d’hôtel, qui regardait ce départ d’un air d’envie et de chagrin, les devoirs de sa charge le retenant aux cuisines.

Les deux noms qui sortirent furent ceux de Saint-Georges, appartenant à l’habitation de la Rose, et celui de Toussaint-Breda[1], appartenant à l’habitation de M. Noë, située à une lieue de la ville du Cap.

Ce dernier nom se vit accueilli par des murmures. Le noir qui le portait, plus âgé de deux ans que Saint-Georges, n’était pas de l’Artibonite, il était venu à la suite de quelques personnes de l’habitation Noë qui visitaient Mme  de Langey, dont la famille leur était connue pour avoir habité la Guadeloupe. Joseph Platon chercha vainement à faire comprendre aux noirs de la Rose que Toussaint-Breda représentait alors les maquignons de la ville du Cap. La jalousie de ceux de l’Artibonite ne voulut rien écouter. Mme  de Langey descendait déjà par le perron, et Joseph craignait quelque sédition populaire… Le noir de l’habitation Breda choisit ce moment pour prendre son élan et courir à sa monture. C’était, par malheur pour lui, un cheval pautre, comme on dit à Saint-Domingue, cheval non dressé et qui s’indignait déjà de se trouver à côté d’une autre bête docile et froide. À peine le noir l’eut-il enfourché que

  1. Toussaint-Breda, depuis Toussaint l’Ouverture. Il était né en 1748. M. Bayon de Libertat, procureur de M. de Noë, en fit son cocher. Il portait alors ce nom de Breda, du nom de l’habitation.