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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

être bon prince et à goûter du moussa et du tumtum, comme pour s’assurer par lui-même de la nourriture de sa colonie. Le repos accordé aux esclaves pour ce jour de solennité assurait au gérant un travail plus opiniâtre et plus fructueux de leur part quand viendrait le lendemain ; c’était une machine aux mille roues qui profitait de fonctionner avec plus de force, et que l’on ne laissait reposer qu’à ce prix.

La miraculeuse berline de Mme  la marquise de Langey était déjà prête à partir, une foule de noirs l’entouraient, curieux d’en admirer de près les riches dorures Les lames d’un soleil éblouissant se jouaient à ses panneaux, où le peintre avait entouré l’écusson de la marquise d’une nuée d’amours et de colombes. Le train du carrosse était réchampi de bleu et d’or, sa forme présentait, vers le bas, celle d’une gondole surmontée d’un treillage de pampres verts en guise de dôme. C’était une voiture de princesse digne de la chaussée de Versailles ; Mme  la duchesse de Valentinois en possédait seule une semblable.

Les chevaux attelés à la berline et qui piaffaient dans la cour sortaient tous de la halle de la Rose. On se sert peu de chevaux pour les attelages de voitures à Saint-Domingue, où l’on emploie plus communément les mulets, comme devant moins succomber à la fatigue ; mais comme les chevaux nés dans l’île sont difficiles à manier, les nègres, qui s’exercent de bonne heure à ce manège dangereux et se vantent de les réduire, avaient voulu prouver leur valeur en cette occasion. Les noms des meilleurs maquignons et maîtres en cette science venaient d’être ballottés dans