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LE CHEVALIER DE SAINT GEORGES.

il tomba bientôt sous l’empire d’un abattement profond.

Car, en le voyant si beau, si heureux, si accueilli, Mme de Langey n’avait pas même fait un pas ; elle ne lui avait adressé ni parole ni sourire ; c’était le marbre de cette femme, non son âme qu’il retrouvait !

Et elle avait ri de ce rire-sardonique et insolent de certaines femmes, de ce rire qui est la plus lâche des insultes ; parce qu’il s’abrite sous la faiblesse et la fausseté !

Encore une fois, c’est bien elle !…

Le temps, respect inouï ! n’avait pas encore déformé sa taille et son visage : elle était belle, plus belle que Mme de Montesson ; son teint, sa bouche, ses yeux, n’avaient rien perdu de leur éclat. En la voyant, on ne pouvait s’empêcher de se dire :

« Le comte de Saint-Germain vend-il en effet le secret de ne point vieillir ? »

Ses épaules, dégagées des plis d’une calèche rose, avaient conservé leurs belles lignes veloutées ; son front, mollement bombé comme celui de la Diane antique, n’avait pas même une ride. Comme en ce temps-là l’usage des parfums était une véritable loi, il s’exhalait de tous ses atours je ne sais quelle fraîcheur asiatique, on la pressentait comme un bouquet. Le grand goût de sa toilette, l’esprit merveilleux de ses plus légers détails, la maintenaient au rang des belles créoles à la mode que les habitudes indolentes des îles ont garanties des outrages de la fatigue.

Mme de Langey, trop adroite pour ne pas prévoir la fin de son règne dans les salons, s’était fait une