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LE CHEVALIER DE SAINT GEORGES.

estimait plus que le maître. Mme de Langey, depuis son retour de Saint-Domingue, y avait paru quatre à cinq fois. Sans le désir formel de M. de Boullogne, qui attachait un grand prix à la signature de ce brevet, pour des raisons que nous expliquerons plus tard, Mme de Langey ne se serait point appuyée de ses souvenirs vis-à-vis de la marquise, près laquelle elle avait plâtré d’Angleterre un raccommodement par lettres.

En ce moment, pour qu’on ne pût soupçonner la solliciteuse dans la bonne amie, elle se rassit en promenant çà et là sur les divers groupes qui s’étaient formés dans ce salon selon son regard d’impératrice…

Tout d’un coup, elle saisit le bras de M. de Vannes, qui causait avec le comte de Vaudreuil. Elle venait de voir Saint-Georges.

Et en vérité elle ne le reconnut pas, tant l’intervalle des années avait éloigné de son esprit le souvenir de l’enfant mulâtre

Étonnée seulement de voir dans le salon d’un prince royal un homme de cette couleur, la créole dit à M. de Vannes :

— Quel est-ce valet ? un piqueur de M. le duc, sans doute ?

— Silence ! reprit à voix basse M. de Vannes, cet homme est le chevalier de Saint-Georges, l’amant de Mme de Montesson !

La marquise de Langey partit d’un sublime éclat de rire, que ses voisins ne manquèrent pas d’attribuer à quelque saillie de M. de Vannes… Le capitaine craignit sans doute que Saint-Georges s’en aperçût, bien