Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges, v3, 1840.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.
79
SAINTE-ASSISE

de la marquise laissés sur les entre-deux en bois de rose avec une certaine prétention d’oubli.

Dès que Saint-Georges parut, un murmure auquel tous les cercles l’avaient depuis longtemps accoutumé circula dans le salon ; il le reconnut, et l’expression d’une joie indicible rayonna sur sa brune physionomie. Les femmes, en le voyant, avaient l’air de se réfugier sous l’éventail comme pour se communiquer mutuellement un secret ; les hommes les plus distingués en fait de noblesse ou d’esprit lui tendaient la main ; il était devenu en un clin d’œil le point de mire de cette assemblée.

Cependant, ainsi qu’il arrive toujours dans les premiers momens qui suivent une installation, il se fit bientôt le plus glacial silence. Chacun s’interrogeait du regard et avait l’air de se rendre compte intérieurement de sa propre valeur ; les plus philosophes avaient pris le parti d’admirer tout ce que ferait Mme de Montesson ; les moins résignés attendaient avec impatience que la cloche du déjeuner de chasse tintât.

Entre toutes ces femmes si jalouses de se faire voir, il y en avait une à laquelle M. de Vannes semblait servir d’écuyer d’honneur, bien que par son air et son maintien arrogant elle eût pu se faire place. Appuyée au bras de M. de Vannes, on l’avait vue considérer à peine la décoration des jardins avec son lorgnon, donner quelques ordres à ses valets pour le soir, toiser un instant la compagnie, et se plonger, plutôt que s’asseoir, dans une duchesse à côté de Mme de Blot.