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SAINTE-ASSISE

flottes ; avec ce regard, il n’avait pas besoin de demander, il obtenait. Son pouvoir magnétique plongea bientôt la marquise dans une de ces extases recueillies où toute l’histoire de l’amant qu’elle adorait se déroula. Elle le vit à son tour, comme un magicien des contes arabes, disposant de son cœur et de sa puissance, l’entraînant à sa suite à travers un monde inconnu ; géant radieux, il la présentait à l’Olympe des génies ; on y admirait ses talens, ses doigts mollement effilés pinçaient les cordes de la harpe…

Arrachée bientôt à ce voluptueux mensonge par la plus éclatante des fanfares, elle n’eut que le temps de se lever, d’apporter son épaule nue jusqu’aux lèvres de Saint-Georges, pour qu’il y posât ses lèvres, puis elle se mit à une petite table de laque où elle était censée peindre à l’eau des fleurs, d’après Van Spaendonck, son peintre, le peintre du cabinet du roi.

Le chevalier avait saisi son fusil de chasse et se disposait à sortir, quand il se trouva vis-à-vis de M. Nollot, qui était venu par le yacht du duc d’Orléans.

— Voilà monseigneur ! cria Nollot. Oh ! nous sommes venus vite, allegro, allegramente !

Le chevalier siffla l’un des piqueurs, il s’en fit suivre, et laissant M. Nollot remplir sans doute un message du duc près de la marquise de Montesson, il rejoignit les arrivans à la descente de leur yacht doré, jolie barque rivale de celle de Marie-Antoinette, lorsque cette princesse faisait le trajet de Paris à Fontainebleau, dans sa grossesse.