Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges, v3, 1840.djvu/61

Cette page a été validée par deux contributeurs.
53
UN MENUET

ses joies candides. La belle fille s’était fait de Paris une idée bien différente ! Pour se consoler les premiers jours, elle eut soin de se dire que cet exil ne pouvait durer ; la marquise, sa cousine, devait soutenir pour elle un procès. Agathe pensa qu’elle voulait sans doute ne l’installer au Palais-Royal qu’après le gain de sa cause. L’affaire était grave, Mlle de La Haye se trouvant, au préjudice d’autres parens, avantagée par le testament d’un de ses oncles, beau-frère de Mme de Montesson[1], et l’un des premiers, négocians de Saint-Malo, où la haute bourgeoisie date de très-loin. De ce procès dépendait la fortune de Mlle de la Haye : mais ce n’eût été qu’avec peine que la marquise de Montesson l’eût vu finir : il eût consolidé Agathe au cœur de Paris, peut-être même l’eût-il amenée au Palais-Royal. La seule crainte de se voir enlever le cœur du prince par cette belle cousine et de perdre ainsi le fruit de dix années de manège ne prescrivait-elle pas impérieusement cet exil ?

L’imagination d’Agathe ne tarda pas à franchir cette solitude ; une curiosité invincible la tourmentait. Son ingénuité ne pouvait prévoir le plan de Mme de Montesson ; elle demeura persuadée qu’elle lui avait déplu. En se comparant aux portraits de ce

  1. Mme de Montesson avait nom Mlle Béraud de La Haye ; elle était fille d’un capitaine négrier de Saint-Malo, lequel capitaine faisait la traite pour le compte de M. de Chateaubriand.

    La marquise de Créquy disait d’elle : « Comme elle n’a pu réussir à être duchesse d’Orléans, elle a exigé que le duc d’Orléans se fit M. de Montesson »