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Un menuet

nuit. Vous avez lu ? Je vois à travers vos carreaux des livres et une bougie sur votre table…

— Une recluse fait ce qu’elle peut.

— Quel ouvragé lisiez-vous ?

— Si vous tenez à le savoir, j’ai lu Peau d’âne.

— C’est un conte charmant pour ceux qui aiment les contes.

— Il m’a fait pleurer celui-là ; c’est mon histoire.

— Voulez-vous que je sois le prince ?

— Du tout, monsieur, vous savez nos conventions. Écoutez, vous êtes le seul homme qui mettiez le pied ici, mais j’ai votre parole, je ne serai à vous que lorsque je vous aurai dit : « Maurice, je vous aime ! »

Et cela n’est pas encore venu, reprit-elle en mettant la main sur son cœur, avec une sorte d’assurance qui fit tressaillir Maurice.

Il y eut quelques instans de silence entre eux.

Le soleil devenant trop vif, Glaiseau apporta un parasol ; Agathe poussa la porte de sa chambre.

Il y avait là un clavecin ouvert et des livres ; plusieurs bougies éteintes entouraient la table, comme après une longue veillée. Agathe, bien qu’elle fût pâle, était divine de beauté.

— Je le vois, Maurice, vous allez m’accuser, mais il faut bien que je me fasse un monde la nuit, je n’en vois aucun pendant le jour. Ma cousine de Montesson m’a cloîtrée dans cette triste solitude. Pourquoi cela ? En vérité, je ne sais. Par malheur, je dépends d’elle. En ce pays-ci, il n’y a pas à présumer que je rencontre autre chose que des siècles ambulans, des fantômes du temps passé ; tenez, j’ai cru voir danser