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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

de chez lui les nègres de sa mère à coup d’étrivières. Le mulâtre devint l’ami, le confident de son fils ! Hélas ! il était loin de prévoir alors les écueils de cette perfide intimité !

II n’éprouva pas plus de peine à triompher de ses rivaux près de la marquise…

Soit que la force physique et l’étrangeté de ce champion, nouveau lui parussent en effet un genre d’épreuve à tenter, soit que tous les dons charmans que Saint-Georges possédait l’eussent réellement touchée, Mme de Montesson, peu contente de se l’attacher pour ses spectacles, le créa d’abord son écuyer et ne se fit pas faute de l’avouer aux yeux de sa cour ordinaire. Son enveloppe, robuste et galante tout à la fois, satisfaisait les deux penchans les plus décidés chez la marquise, le plaisir et l’amour-propre. À Versailles, elle eût caché cette passion au Palais-Royal, elle l’afficha. Pour le duc de Chartres, il se vit naturellement attiré vers Saint-Georges par son goût pour la chasse et les éloges que ne manquait pas de lui en faire Mme de Montesson. Il comptait d’ailleurs le faire servir à ses fins et à son parti.

Recherché des belles, agacé par les coquettes, ayant l’esprit du monde et l’à-propos, qui vaut mieux que les grands talens, Saint-Georges ne pouvait manquer de réussir. On ne tarda pas à l’appeler le Don Juan noir. Les soupirs successifs d’amans, dont frémissait encore le clavecin ému de la marquise, furent étouffés sous le charme de sa voix, sous les séductions de sa parole. N’ayant de rival en aucun jeu, imprimant un cachet de maître aux plus vulgaires