avait tirée du dernier rang des filles vendues ; cette précaution toute paternelle pouvait-elle manquer de porter ses fruits ?
À l’époque des plus brillans succès du chevalier de Saint-Georges, le duc de Chartres avait trente ans. La débauche avait déjà flétri la beauté régulière de ses traits : son front bourgeonné comme ses joues en faisaient une sorte de pastel vineux et gâté. Il n’avait guère d’éclat que le soir et aux bougies. Rebuté et méprisé par les femmes vraiment nobles, il avait imaginé contre elles cette vengeance que chacun sait, et qui lui valut le mot sanglant de Mme de Fleury, que nul n’ignore[1]. Si les gazetiers d’alors n’en étaient pas encore venus à écrire sa terrible apologie[2]peu de gens du moins doutaient qu’il ne
- ↑ « Le duc de Chartres écrivait sur des tablettes le nom de
toutes les femmes qui venaient au Palais-Royal, avec ces indications :
jolies, agréables, abominables. Mme de Fleury avait
été rangée par lui dans cette dernière série. C’était peu de
temps après la malencontreuse affaire d’Ouessant : « Ce qui
me console, monsieur le duc, lui dit-elle, c’est que vous vous
connaissez aussi mal en signalemens qu’en signaux. »(Mémoires secrets.)
Mme de Genlis s’évertue à réfuter l’anecdote ci-dessus citée et qui se trouve partout.
- ↑ Vie privée ou apologie du duc de Chartres, 1 volume.
une maîtresse qu’une infâme créature, qui l’élevait pour en faire une courtisane, lui vendit comme toute neuve encore ; elle avait quinze ans : c’était la fameuse Mlle Duthé, qui depuis ruina mon beau-frère et beaucoup d’autres. M. le duc d’Orléans se vantait de cette action comme d’une mesure fort prudente et fort tendre pour la santé de son fils ! »