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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

tirant un sottisier de ses poches, comme si la vie était pour lui une perpétuelle Courtille. Marié, en 1743, à Louise-Henriette de Bourbon-Conti, il vécut seize années avec cette Messaline, dont la passion, d’abord véhémente pour son mari, faisait dire à Mme la duchesse de Tollard "qu’elle avait trouvé le moyen de rendre le mariage indécent. » La servilité hardie de Collé pourrait-elle empêcher que l’on ne prenne ce triste prince en dégoût ? Il ne pencha jamais pour aucun parti, mais en revanche il les encouragea tous par sa faiblesse dans leurs rébellions croissantes. Nous ne pouvons douter, d’après Mme de Genlis, qu’il n’ait joué fort rondement les rôles de paysans, mais à coup sûr il n’était guère fait pour celui de prince. Plus bête que méchant, dupé hautement par toutes ses maîtresses, il ne passera guère à la postérité que par l’imbécilité de sa conduite ou le scandale de ses mœurs. La seule origine de sa grande passion pour Mme de Montesson prouve assez qu’il était né pour être le plus épais bourgeois de son royaume[1].

  1. M. le duc d’Orléans voulut bien me conter un jour la manière dont il devint amoureux de ma tante. Un jour, à la chasse du cerf, à Villers-Cotterets, Mme de Montesson était à cheval ; M. le duc d’Orléans se trouva auprès d’elle dans un moment où la chasse allait tout de travers. Un des chasseurs proposa à M. le duc d’Orléans d’attendre dans une allée quelques minutes pendant qu’il irait en avant prendre quelques informations sur le cerf, les chiens, etc. M. le duc d’Orléans y consentit, et il descendit de cheval avec ma tante pour aller s’asseoir à quelques pas à l’ombre dans un endroit qui lui parut joli. M. le duc d’Orléans était fort gras ; la chaleur était étouffante. Le prince, en nage et très-fatigué, demanda la per-