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LE PALAIS-ROYAL

bons mots d’officier de bouche doit leur être mise en ligne de compte. Ce prince, dont la constante occupation fut celle de la cuisine, n’était pas alors plus récréatif pour Mme de Montesson que pour ses propres favoris. Sa gourmandise et ses habitudes populacières en avaient fait une sorte d’automate digérant et chantant même au besoin, comme le canard illustre de Vaucanson[1]. Si les comédies de Bagnolet l’avaient amusé avec Mlle Marquise et lorsqu’il était plus jeune, en revanche celles de Mme de Montesson avaient le privilège de le rendre bourru, quinteux, insupportable.

Il s’endormait aisément au moindre propos et se réveillait avec moins de facilité. Le cercle habituel de familiers, dont nous avons crayonné quelques figures, s’ouvrait et se refermait chaque jour autour de lui sans qu’il y prît garde. On a calomnié les arts en disant qu’il les aima ; il n’aima que la bonne chère. Les allégories satyriques des peintres du temps nous le représentent sous les traits du dieu de la vendange, écrasé de pampres et d’embonpoint, avec cette devise : À Bacchus ! À l’ombre d’une tonnelle bordée de convives, qui tous ont l’air de le provoquer à ce combat des futailles, l’œil du spectateur le découvre, les bras retroussés jusqu’au coude, le pacifique bonnet de coton sur sa tête royale, au milieu d’impures de bas étage ou de courtisans avinés, et

  1. Il expédia un jour vingt-sept ailes de perdrix, sans préjudice de quelques hors-d’œuvre, entremets et pièces de dessert.
    (Mémoires de Bezenval.)