Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges, v3, 1840.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.
16
LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

M. Bruno avait terminé en effet son échafaudage plâtré ; il contemplait son œuvre avec l’orgueil d’un artiste, et il en avait le droit. M. Bruno était un des meilleurs perruquiers de Paris ; il précédait Gardanne, Saint-Georges l’avait mis à la mode en peu de temps. Le chevalier sortit de dessous la houppe de M. Bruno avec un masque blanc sur le visage ; il l’essuya avec un linge fin et parfumé, répandit sur son cou nu un extrait particulier : cela fait, il passa plusieurs bagues à ses doigts et regarda avec complaisance ses dents, qu’il avait fort belles. Mme  de Genlis disait de ses dents que c’étaient deux rangées de perles sur du velours noir.

— Ah ça, monsieur Jasmin, c’est donc aujourd’hui la petite poste ? reprit-il en trouvant encore une lettre qui avait glissé sous le plateau d’argent de sa toilette. Ce poulet-ci est parbleu d’un nouveau genre ! voyez donc, de Vannes, vous qui êtes mon lecteur ; pour moi, je suis tenu par l’heure et par Jasmin, qui me passe ma veste…

— voilà une curieuse lettre ! fit le lieutenant en la retournant dans tous les sens ; elle est cachetée avec de la mie de pain !

— Vous pouvez la déchiffrer ?

— Pas encore… Ce sera, chevalier, quelque pauvre fille innocente… comme la Rosette de M. Jasmin, votre valet… Elle implore sans doute votre protection.

— Comment oses-tu, maraud, recevoir des lettres pareilles ? dit Saint-Georges à Jasmin en jetant un coup d’œil sur le papier torchon de l’épître.