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UN ANCIEN AMI.

portefeuille contenait les lettres de la marquise de Langey !… il n’y a que Satan et moi qui puissions savoir les lignes secrètes de ces lettres, mais dans chacune d’elles la perte inévitable de cette femme était écrite, dans chacune d’elles il y avait son arrêt de mort !

— Et ce portefeuille, vous l’avez perdu sans doute ! Il a dû tomber dans votre veste en vous défendant contre les dragons jaunes près la rivière du Cabeuil ?

— J’admire, chevalier, la bonté de votre mémoire… D’où savez-vous que je l’ai perdu ce portefeuille ? reprit Tio-Blas lentement en plongeant son regard clair et terrible dans celui du chevalier. La force de cette muette interrogation fut telle que Saint-Georges, malgré le geste indifférent qu’il affecta de donner pour toute réponse, baissa involontairement les yeux.

Tio-Blas continua :

Vous avez deviné… c’est à l’attaque de la berline du prince de Rohan que je l’ai perdu… Un homme, je ne pus distinguer lequel, me frappa alors d’un coup violent qui me fit glisser à la renverse… Je me retournai, il avait fui.

— Ce portefeuille est tombé peut-être au pouvoir de la marquise ou du prince de Rohan, dit Saint-Georges, pressé de donner le change aux idées de l’Espagnol.

— Je ne le crois pas, répondit-il froidement.

— Qu’en voudriez-vous faire ? M. de Boullogne est toujours épris de la marquise de Langey… On dit qu’il lui abandonne la moitié de ses revenus…