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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES

précédentes à mon supplice, de six années pendant lesquelles le secret de mes actions est entre moi seul et Dieu !… Vous êtes jeune, Saint-Georges, vous avez la joie et la santé, vous êtes heureux… dès lors vous avez pu oublier ! Moi, je me souviens, mon cœur est peuplé de terribles voix qui ne me laissent pas de trêve ! Ce n’est pas moi, ce sont elles qui demandent une vengeance ! Cette vengeance, Saint-Georges, je l’ai tenue longtemps comme le glaive à mon côté, je l’ai mise sous mon chevet, elle a reposé auprès de moi sous la tente, je l’emportais là-bas à travers les sables, la serrant contre ma poitrine ! La blessure qu’eût faite cette arme eût été aussi rapide que la blessure produite par la flèche de l’Indien, aussi mortelle que la piqûre de l’aspic. Dans mes nuits pesantes, mes nuits sans sommeil, je courais souvent à ce trésor enfoui par ma colère, je m’assurais de sa possession, je le couvais des yeux, attendant pour m’en servir que les temps fussent venus. Hélas ! qui m’aurait dit que j’en serais dépouillé, que cette arme fatale passerait aux mains d’un autre. À qui est-elle maintenant ? qui la possède ? je ne sais. Si je le savais !!! je me précipiterais sur cet homme pour lui arracher mon bien ! Il doit vous en souvenir… un jour que vous couriez sur les rochers avec moi, pour gagner la vallée d’Oya, vous me vîtes porter soudainement la main à mon cœur, vous me demandâtes si je me trouvais mal… j’étais devenu pâle en effet, bien pâle je tremblais d’avoir perdu mon portefeuille… je m’assurai bientôt qu’il n’en était rien, il avait glissé jusqu’à ma ceinture… Ce