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UN ANCIEN AMI.

ce qui laissait à nu l’effrayante maigreur de son cou et de sa figure ; les pommettes de ses joues étaient marquées de taches vineuses et violacées comme celles d’un fiévreux ; son front ressemblait à un viel ivoire jauni ; le rictus sardonique décrit par sa bouche avait encore reculé sa ligne habituelle, il donnait à son sourire une empreinte d’astuce et de finesse inouïe.

Ses épaules s’étaient voûtées insensiblement, bien qu’il affectât de se tenir droit et la tête haute ; sa jambe était encore belle, mais ses mollets menaçaient de devenir aussi effilés que ses bras.

Il était difficile alors de juger de son costume, il portait celui de la salle d’armes, et il avait laissé le sien dans le vestiaire…

— Chevalier, dit-il, j’ai voulu voir si vous étiez aussi habile qu’on vous disait. Je crois à votre force maintenant ; vous m’avez prouvé votre supériorité de façon à me convaincre, poursuivit-il en montrant le sang qu’il étanchait de sa joue.

— Ma foi ! Tio-Blas, que ne vous nommiez-vous ? je vous aurais traité en ami vous étiez pourtant un tireur à Saint-Domingue !

— Oui, autrefois… Il y a longtemps de cela !

Il me souvient d’avoir pris des leçons de vous, dans votre troupe…

— Vous voulez-dire dans mon académie ?… on y apprenait des choses utiles ?

— Fort utiles, bien qu’elles ne m’aient servi de rien.