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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES

La joue du petit homme avait porté contre un des arguillons de la selle du cheval de bois ; le sang en sortit, mais ce n’était qu’une égratignure.

— Souffrez-vous ? dit Saint-Georges en s’empressant de débarrasser complaisamment de son masque l’inconnu, qui le laissa faire.

Amigo ! senor, Amigo !

Le chevalier tressaillit à cette voix ; elle lui rappelait un souvenir vague de son enfance. Il attendit que La Boëssière eût bassiné d’eau fraîche la joue du tireur pour le considérer ensuite quelques secondes, et il s’écria :

— Tio-Blas !

Laissez-nous seuls, dit Saint-Georges à La Boëssière.

Le maître d’armes obéit. C’était pour lui le véritable jour des étonnemens. Il jeta au punch un regard d’adieu et de regret.

— Vous ne vous trompiez pas, chevalier, je suis Tio-Blas !

 
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Il s’était assis, voulant se remettre sans doute de la fatigue accablante de cet assaut. Saint-Georges ne pouvait se lasser de l’examiner, et véritablement c’était une curieuse étude que le seul visage de l’Espagnol… Il avait vieilli si vite que son front n’avait déjà plus un cheveu ; sur ce front se croisaient mille rides inégales. Le cercle de ses yeux, creusé par la maladie ou la débauche, agrandissait tellement l’expression de son regard fixe que l’on ne pouvait se soustraire à son électricité. Il avait coupé sa barbe,