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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES

son fleuret dans sa main gauche avec tant de vivacité, que le pareur n’avait pas même eu le temps de rencontrer le fer pour la parade… Tirant à botte nommée, d’une portée folle, et tenant toujours hors de mesure avec sa garde imposante, il ménageait si bien sa vitesse qu’il ne remployait qu’à coup sûr. Il était impossible de s’emporter avec lui ; on était pris d’un coup d’arrêt avant que le pied eût touché le sol.

L’inconnu, déjà fatigué, mit alors la pointe en terre. Saint-Georges dégagea son col de son mouchoir et respira quelques secondes avec ce sifflement qui lui était habituel.

— Voici votre bol, monsieur le chevalier, dit la vieille mère Dick en apportant un large plateau sur lequel le punch dansait dans sa coupe comme un follet.

— Un instant, mère Dick, nous n’avons pas encore commencé, dit Saint-Georges, piqué de voir son adversaire garder le silence.

La vue de cette étrange figure soulevait en lui mille idées… Il ne pouvait guère l’entrevoir qu’à travers le treillis du masque, mais elle lui semblait presque illuminée, sous ce masque même, par autant d’éclairs.

L’homme n’avait pas même soulevé sa mentonnière de fil d’archal ; il se remit en garde avec un rire ironique qui ressemblait à un doute.

— Serait-ce un de mes convives de l’autre nuit ? pensa le chevalier. Je vais en finir avec cette énigme !

L’adversaire de Saint-Georges avait les doigts