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UN ANCIEN AMI.

coup d’œil et de malice ; vous eussiez dit qu’il guettait l’instant où le chevalier allait partir…

— C’est peut-être un Italien, pensa Saint-Georges ; mais je le tiens pour malin s’il me fait tomber dans quelque piège !

Le petit homme fit un menacé en quarte sur les armes pour tirer seconde ; ce coup, malgré sa prestesse, fut paré au même instant. C’était le coup favori de Saint-Georges, et l’adversaire du chevalier s’en repentit vite, car il vit son fer dérangé par des croisés et des battemens si vigoureux que ses bras en furent brisés.

Les développemens les plus hardis s’ensuivirent bientôt ; les coups de temps et d’arrêt se succédaient comme des coups de foudre.

Le chevalier s’était aperçu qu’on lui opposait un mauvais jeu ; il s’en vengeait par toute l’admirable pureté du sien…

Représentez-vous le moule du plus admirable cavalier qui se puisse voir : une force de corps herculéenne, une main légère et soutenue à une si belle hauteur que, même dans le temps où les masques n’étaient point encore en usage, Saint-Georges ne blessa personne. Vif, souple, élancé, il étonnait par une agilité qui tenait de celle du cerf. À son pied gauche solidement établi et ne variant jamais, à sa jambe droite constamment perpendiculaire, vous auriez cru voir le lutteur des temps antiques ; il se relevait et repartait comme l’éclair. Ceux qui l’ont vu tirer s’accordent à dire qu’il passait le coup de quarte sur les armes si promptement, touchait, puis repassait