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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES

sans doute assez humilié, ce pâle marquis, en apprenant que c’est moi qui l’ai sauvée !

Longtemps encore Saint-Georges s’entretint de ces pensées ; elles le dominèrent au point qu’il examinait sous tous ses aspects la situation d’Agathe.

— Elle m’a entretenu de la marquise, se dit-il ; la marquise est sa cousine ! Mme de Montesson lui ferme tout accès au Palais-Royal… pourquoi ? Voilà ce que je n’ai pu apprendre d’elle, mais voilà ce que je saurai !

L’image de cette femme apparut alors à Saint-Georges sous un jour presque odieux, il se demanda pourquoi son nom intervenait dans ce chaste amour ; il trouva que c’était assez de sa vie et de sa liberté pour holocauste, sans que la marquise dût gêner la la vie et la liberté d’Agathe…

— Elle est sa parente, reprit-il ; Agathe lui obéit… Et moi aussi je suis son morne serviteur ; moi aussi j’obéis depuis tantôt cinq ans à ses caprices ! Oh ! ce joug me pèse ; il faut le rompre ; il faut que je m’arrache à l’opprobre de ces bienfaits, de ces largesses qui ne font que river ma chaîne ! Quand je quitterais cette cour infâme pour m’enfuir loin d’elle avec Agathe dans quelque humble solitude, serais-je donc si à plaindre ? Le spectacle de ces corrupteurs m’effraie…… Il y a des instans où le vertige me saisit, rien qu’à côtoyer l’abîme. Fuyons de cette ville avec cet enfant ; partons avec elle et Noëmi, Noëmi que je ne puis ici nommer ma mère !

Il essuya une larme douce, la première qui fût