Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges, v3, 1840.djvu/178

Cette page a été validée par deux contributeurs.
170
LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES

il eût voulu en finir avec ces hardis coupables ! Comme la rougeur lui montait au front en voyant cet oubli de tout rang et de toute noblesse ! Il n’avait mis le nœud de leur ralliement à son bras que parce qu’il lui fallait justifier sa présence à ce souper ; il était entré comme un homme ivre qui marche sans voir sa route… Il savait que dans cette maison il allait sans doute s’accomplir un crime, cela lui avait suffi. Le rôle qu’il avait joué se présenta à ses regards entouré de mille périls. Lorsqu’il avait touché le pistolet que lui présenta de Vannes, la main lui avait tremblé ; il avait frémi en pensant que son adresse pourrait le trahir… Pour sauver cette enfant qu’il trouvait si belle, mais dont il ignorait le nom, il allait peut-être livrer imprudemment le sien à la colère de son maître ! car il était son maître, ce silencieux jeune homme, ce prince du sang dont Saint-Georges avait écarté le bras, il était son maître, son protecteur ! Que dirait-il en apprenant le nom de l’audacieux ?

Saint-Georges avait osé s’opposer à ses désirs, Saint-Georges avait tiré l’épée contre le meilleur ami du duc, le comte de Lauraguais !

— Dieu veuille, s’écria-t-il, qu’ils ne m’aient point reconnu ; que je ne sois pas déjà puni d’avoir arraché la colombe aux griffes du tigre !

Ses idées se reportèrent alors sur Agathe, Agathe la triste fille pour laquelle il allait peut-être tout perdre…… Il la revit pâle, mourante, le suppliant de la protéger, s’attachant à lui comme au mât du vaisseau dans le naufrage ! Saint-Georges s’applaudit de ce