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RÉFLEXIONS.

la marquise… lui faisant répéter, à défaut de son capitaine des chasses, un proverbe de Carmontel. Ce même soir, vers les dix heures, le chevalier s’était levé et avait rejoint sans bruit un de ses piqueurs qui lui tenait un cheval sellé à la petite porte du parc…

À minuit, il entrait au bal de l’Opéra…

Il avait résolu de ne parler, cette nuit, à qui que ce fût du Palais-Royal, et cela pour deux raisons ; la première, c’est qu’on ne manquerait pas de rapporter sa présence à la marquise ; la seconde, c’est qu’il ne voulait prêter en rien son aide aux entreprises accoutumées et aux parties clandestines du duc de Chartres…

Ce prince, qui corrompit toujours ses confidens plutôt qu’il ne fut corrompu par eux, n’avait jusqu’alors rencontré dans le chevalier qu’une âme haute, ennemie des lâches complaisances. La grâce extérieure, l’esprit de Saint-Georges lui donnant sur le duc une réelle supériorité, le mulâtre aurait pu se faire aisément le ministre de ses vices ; la probité de sa nature lui interdit ce chemin honteux. Du jour où il mit le pied dans ce palais qui eut toujours le triste privilège de l’orgie et de la licence, Saint-Georges se roidit contre l’acceptation résolue du déshonneur ; lui qui n’avait pas de nom, il voulut s’en faire un glorieux et vraiment noble. Il n’ignorait pas que par ces mêmes corridors où le régent à moitié ivre traînait ses pages fourbus de débauche, le duc de Chartres usait déjà d’autres favoris à le suivre ; que son entourage le plus cher, celui qui lui agréait le plus, se