Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges, v3, 1840.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.
9
LA TOILETTE.

tre de Mecklembourgeois, mais je cours comme le fils de Relaria la jument du duc de Chartres.

— Tu feras croire au lieutenant que je veux t’exterminer !

— Encore une année comme celle-ci, monsieur le chevalier et je serai fourbu, je vous le dis ! Je ne serai pas capable de boutonner vos poignets de chemise ou vos fleurets. Il n’y a pas de jour que vous n’alliez au tir ou au concert, de sorte que je prends cette fois vos pistolets pour votre boîte à violon, cette autre, la boîte à violon pour vos pistolets. Je porte vingt à trente billets amoureux par jour, et vous en rapporte le double… En voici quinze ou seize qui vous attendent encore là sur ce plateau… Tous les quartiers vous sont bons, et je vais d’ici jusqu’en dehors de la porte Saint-Honoré, et de la porte Saint-Honoré au Marais. Il faudrait être nègre, je veux dire coureur, reprit Jasmin, pour tenir à ce métier ! Hier, pas plus tard qu’hier, j’ai cru que la veine de mes fatigues tarirait ; bast ! vous m’envoyez dans la plaine des Sablons pour un ancien piqueur du roi qui a la fièvre… J’ai gagné la sienne rien qu’à courir, et je vous préviens que si une autre fois vous me donnez encore une poularde de Rennes à lui porter, il risque fort de ne pas la tordre et l’avaler ! Des poulardes de Rennes ! des poulardes rôties au feu des cuisines du duc d’Orléans pour ces gens-là ! fi, monsieur, fi donc ! et un panier de vin de six bouteilles, encore !

— Silence, monsieur Jasmin ; ce piqueur vaut mieux que vous, qui n’êtes qu’un méchant ivrogne. Ce brave homme, continua-t-il en se tournant vers de