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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES

« Quel autre que Maurice m’eût suivie à ce souper, se disait Agathe ? quel autre m’eût prise sous sa garde et sa défense ? Ah ! c’est lui sans doute que j’ai vu glisser à mes côtés dans le bal et que j’ai esquivé avec tant de soin pour ne pas encourir ses reproches ; c’est lui qui va m’arracher de ce lieu et m’ouvrir passage à travers tous ces infâmes ! »

Le jour déjà bleu répandait alors sa teinte blafarde sur la table. Les musiciens de la tribune s’étaient doucement retirés. Prêt à s’assoupir profondément, le maître du lieu promenait un regard hébété sur ses convives, dont quelques-uns entouraient de leurs bras les nymphes pâles du souper. Le vent faisait claquer les volets au dehors et sifflait violemment par la cour.

— Monseigneur, dit un des valets de Gachard, qui survint d’un air effaré, il n’y a plus un seul carrosse dans la rue, et nous ne savons, en vérité, comment nous en procurer dans le quartier… Le cocher de M. l’abbé est parti.

— Le triple maraud ! murmura l’abbé. Mais n’est-ce que cela, monseigneur ? ajouta M. Baudan ? qui prétendait sans doute à la survivance de Dubois, la maison de M. Gachard est à nous depuis la cave jusqu’au grenier.

— Assurément, balbutia M. Gachard d’un air endormi…

Il n’était rien moins qu’à son aise et contemplait sa propre table avec effroi. Le vice et l’orgie les avaient rendues si hideuses, que toutes ces figures,