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LA PETITE MAISON D'UN FINANCIER

les épaules et de tourner le dos à de Vannes, ce qui déplut fort au lieutenant.

— Si mes paroles vous offusquent, mon silencieux ami, je suis lieutenant de dragons, et comme tel en mesure d’avoir avec vous une conversation intime… J’ai là, dans mon manteau, deux charmans petits pistolets, et si le cœur vous en dit…

— Es-tu fou, de Vannes, s’écria le duc de Chartres, et notre partner ne peut-il rester masqué si bon lui semble ? C’est peut-être l’amant de notre jolie dormeuse… Borne-toi à lui en faire la question.

— Si vous ordonnez ! mon prince… répondit le lieutenant… Mais c’est un obstiné, yous verrez qu’il ne voudra pas répondre…

— Eh bien ! je vais le lui demander, moi, dit le duc, après s’être versé un verre de Xérès qu’il but d’un trait comme pour se donner courage, et je suis sûr qu’il me répondra.

— Êtes-vous, mon cher, l’amant de cette belle ?

Comme la statue du commandeur, le masque inclina la tête par un mouvement grave et prolongé,

— Voilà qui est divin ! s’écria le comte de Lauraguais, cherchant à conjurer la frayeur que ce oui muet avait répandu sur le visage des convives. C’est un homme de composition exquise, monseigneur, et vous avez bien fait de nous l’amener vous-même dans votre carrosse.

— Comment, parbleu ! mais j’ai cru, moi, que c’était Belle-Isle, Lauzun ou tout autre. Il avait bon air sous le domino, et, voyez ! il porte encore la rosette rouge comme nous.