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LA TOILETTE.

Vêtu d’une longue robe de chambre, ou plutôt d’un peignoir de soie verte à fleurs d’argent dont Jasmin venait de le draper en un clin d’œil, le chevalier tendait la main à M. de Vannes. Cette main était noire et ornée de bagues prodigieusement hautes, qui avaient l’air de vouloir en dissimuler les jointures…

— Qui me procure l’honneur de vous voir ce matin, mon cher de Vannes ? Auriez-vous une affaire ? puis-je vous être bon à quelque chose ?

— Je viens, mon cher Saint-Georges, prendre de vous, non pas une leçon d’escrime, mais une leçon de bonheur pour ma journée… Oui, continua M. de Vannes d’un ton qu’il voulait rendre frivole, mais qui n’était que gêné, il est de l’état d’un homme à la mode de savoir parier à coup sûr ; et comme je vais de ce pas aux courses de Vincennes, je viens apprendre de vous quelles sont les meilleures chances.

— Voici le programme, répondit négligemment le chevalier en s’asseyant devant son miroir de toilette, orné de rubans jonquille et de billets doux placés au cadre d’or de sa glace, pendant que Jasmin introduisait le perruquier… Vous permettrez que M. Bruno me coiffe ?… Il a ses armes, et je ne voudrais pas me faire avec lui une mauvaise querelle…

M. Bruno entra, saupoudré des pieds à la tête comme les merlans du jour ; il tenait d’une main le fer à toupet, de l’autre un superbe couteau d’ivoire… Jasmin lui arracha avec un dédain profond ces armes vulgaires et tira du nécessaire de son maître une magnifique spatule d’or, meuble habituel qui servait à ramasser la poudre sur le front du chevalier, pour