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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

Bonneuil. Parmi les courtisanes, c’est la Duthé, la Souck, la Raucour, qui se le disputent en fait de luxe et d’arrogance. Comme des esclaves attachés au char de ces déesses, viennent le prince d’Hénin, le duc de Bouillon, le prince de Soubise, le comte de Lauraguais et une arrière-garde de financiers.

Depuis que la reine a mis les plumes à la mode, c’est à qui parmi les femmes portera des plumes, abandonnera les bonnets au parc anglais, les bergers et les chasseurs dans les taillis. La provinciale seule entre ainsi parée au bal de l’Opéra ; on la reconnaît, on lui demande des nouvelles de la dernière récolte.

Ces jeunes seigneurs qui parlent de courses à la plaine des Sablons, à Vincennes, à Fontainebleau, ce sont les beaux de la cour, la fine fleur de Trianon et de Versailles ; à leurs souliers aussi mignons que ceux des femmes, on hésiterait presque à les appeler de leur nom sous le domino s’ils ne vous jetaient eux-mêmes très-étourdiment ce nom au visage.

La seule épaisseur de certains masques trahit la ferme et le contrôle, bien que pour se déguiser plusieurs de ces traitans aient soin de porter des tabatières nommées turgotines, du nom d’un ministre qui n’est pas en odeur de sainteté.

Il y a des masques qui changent de costume cinq fois la nuit ; M. le duc de Chartres (soit dit sans épigramme) est cité pour être du nombre.

Sous le vestibule, il se passe une scène grotesque : un heiduque irrité qui veut à toute force qu’une vestale quitte le bras d’un marquis fluet montant l’es-