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LES ENDORMEURS.

lequin, isolé un instant de son quadrille et qui ne trouve rien de mieux que de prendre à partie un gros ours sous la peau duquel les mauvais plaisans s’obstinent à découvrir M. de Durfort.

— Si je n’étais assuré qu’en ce moment-ci elle est dans ses terres, monseigneur, j’affirmerais à votre altesse que c’est bien la Dubarry… répond l’ours à l’arlequin.

C’est en effet Mme Dubarry en personne qui vient de parler au duc de Chartres, mais Mme Dubarry chagrine, envieuse, désespérée, sous le masque qui couvre ses traits flétris……

Elle est venue là vêtue d’un domino de satin blanc, la favorite déchue ! Louis XV est mort, son successeur est sur le trône, et cependant le deuil de Louis XV fini, Mme Dubarry revient au bal ! Elle ne peut croire son règne éteint, cette femme qui n’est plus, hélas ! de ce règne, qui vient à l’Opéra par tradition, par ennui ! Elle n’a jeté dans l’oreille du duc de Chartres que des mots insignifians… Encore quelques années, et ces deux étranges masques se rencontreront sur un plus sanglant théâtre, celui de la révolution française. Mme Dubarry et le duc de Chartres peuvent déjà se donner la main !

Quelle merveilleuse cohue ! quel flot de coiffures, de topazes, de nœuds d’épée ! Ces gens qui dès l’abord prennent la voix de fausset, ce sont les marquis, les roués, les petits-maîtres ; ces femmes impertinentes que vous croiriez à leur seul ton des présidentes, ce sont des actrices ; on nomme tout haut la Guimard, Mlle Arnoult, la Théodore, la Renard et la