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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

le front couronné de pampres verts, au bras de marquis fiers de leur toupet à l’escalade ; là des abbés poudrés, enluminés, en compagnie de Turcs ornés de fourrures ; plus loin, des villageoises en bonnet aux navets et des comtesses coiffées en vergette. Tout ce monde se cramponne pour six livres par tête à la rampe de l’escalier ; on heurte, on est heurté ; les duchesses portent leurs mains à leurs oreilles pour mettre à couvert leurs pendans, et il y a des commis qui veulent tirer l’épée. Les mascarades littéraires se font jour au milieu des autres ; en voici une contre l’opéra d’Ernelinde : six masques barriolés de notes de musique et de vers tirés du poëme, qui tombent tous ensemble et tout à plat au beau milieu de la salle dès leur entrée… Cette chute, renouvelée de celle de l’opéra de Poinsinet, excite la belle humeur…

Tout ce monde s’aborde, se parle, se donne la main. Les plus célèbres d’entre les impures ont à la main des bouquets noués de diamans, d’autres femmes portent des croix et de petits saint-esprits sur leur gorge nue dont la blancheur ressemble à la cire…

Tout d’un coup le bruit se répand que M. le duc de Chartres vient d’être vu en arlequin à paillettes dans un quadrille.

Dans cet arlequin sec et maigre, il semble injurieux à quelques bourgeois de soupçonner le héros de la dernière campagne maritime, l’ami du duc de Lauzun, le jeune prince qui parie avec le comte de Lauraguais, celui qui s’élèvera plus tard en ballon et se fera chansonner pour ses boutiques. La sotte admiration des badauds poursuit ce malencontreux ar-