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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

Sainte-Assise qui cheminait paisiblement sur la grande route, il venait de visiter un malade.

Les vapeurs roussâtres qui obscurcissaient le disque de la lune ne permirent guère à Saint-Georges d’interroger ses traits. Il le reconnut seulement à son rabat ; et tirant de sa veste une bourse assez garnie :

— Prenez, lui dit-il, monsieur le curé, puisque aujourd’hui je suis ce qu’ils appellent un heureux !

Le curé s’inclina et lui demanda son nom.

— Saint-Georges, répondit-il en ralentissant de lui-même le pas de son cheval.

Une clarté aussi vive que celle d’un météore vint alors les envelopper tous deux ; c’était la torche agitée par l’heiduque, qui revenait sur ses pas.

— Nous aurons de l’orage, monsieur le chevalier, dit Platon d’un air inquiet, voyez donc ce gros nuage au-dessus de la Seine !

Saint-Georges ne répondit pas il croyait avoir reconnu le curé de Saint-Marc dans l’homme auquel il parlait… Cette singulière rencontre éveillant chez le mulâtre son instinct de superstition, il dit au curé :

— C’est vous, n’est-ce pas, qui m’avez donné le baptême à Saint-Domingue ?

— À vous, en même temps qu’à Maurice de Langey, répondit le prêtre. Dieu vous protège tous les deux, ainsi que votre mère Noëmï !

Comme s’il eût craint lui-même d’en dire davantage, il se hâta de serrer la main à Saint-Georges et se perdit dans les profondeurs d’un taillis qui longeait la route……

L’étrangeté de cette vision frappa le mulâtre. Elle