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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

Il le vit récitant les mêmes leçons aux mêmes maîtres, et le chargeant de toutes ses iniquités.

Il le vit assis près de lui sous l’ombre des mêmes cocotiers, où chantait le bengali, où rampait le scarabée, où le moqueur sautillait de branche en branche.

Il le vit encore ému de son terrible renvoi, lorsque sa mère osa l’accuser ; lui, d’avoir distillé le poison dans l’assiette du créole.

Il le vit enfin sauvé par lui, sauvé par lui seul, des atteintes de l’Espagnol, lorsqu’il attaqua à main armée la berline de la marquise, et que Saint-Georges l’étendit sur la savane !

Et il se dit : « Peut-être aura-t-il oublié mon noir visage, mais il ne peut avoir oublié ma voix ; rien qu’à ce frisson de bonheur qui court à mes nerfs, sa main reconnaîtra la mienne… »

Le repas fini, la fanfare accoutumée sonna ; les chasseurs se levèrent ; Saint-Georges attendit qu’une partie de ce monde se fût écoulée, et comme Maurice regardait par la fenêtre les cascades jaillissantes du carré vert, il s’avança et lui ayant tendu la main ;

— Je suis Saint-Georges, me reconnaissez-vous, Maurice ?

Maurice de Langey ne lui tendît pas la main ; il le toisa, il prit son fusil et siffla deux chiens magnifiques de sa meute…… Son piqueur parut, et il lui donna des ordres…

Le mulâtre retira sa main avec colère, et sortit par la galerie opposée……

L’instant d’après il avait rejoint le duc de Chartres