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LE CHIRURGIEN NOIR.

crainte et la rougeur de la fièvre. Le regard attaché sur la pendule, il voyait déjà l’aiguille marquer l’heure de cette sanglante rencontre… Son embarras devenait extrême devant les paroles précises du chevalier ; il cherchait en vain quelque artifice pour en sortir. Il avait trouvé chez Saint-Georges un accent de noblesse et de fierté qui le terrassait.

Le chevalier examinait froidement la pointe de ses épées… Il avait l’air d’attendre le signal pour s’élancer ; il allait de temps à autre soulever le rideau de la fenêtre… Son silence lugubre ouvrit les yeux à Noëmi.

— Tu vas te battre, te battre contre ton frère ! reprit-elle en se pendant au cou du mulâtre.

— Je n’ai point de frère… je n’ai que vous, ma mère, reprit Saint-Georges ; j’ai été insulté par le marquis de Langey… je le tuerai !

Le seul timbre de cette voix eût jeté l’âme la moins faible dans une mortelle épouvante… Anéanti, écrasé, M. de Boulloğne trouva pourtant la force de se relever, et saisissant Saint-Georges par le bras :

— Songez-y bien, monsieur, je puis encore empêcher ce duel ou plutôt ce meurtre… Je puis écrire à M. Lenoir… s’écria-t-il… je le puis !…

— Il est trop tard, monsieur le contrôleur général ; regardez, il est cinq heures…

— Par pitié, Saint-Georges, poursuivit le vieillard en joignant les mains, par pitié, renoncez à ce combat… ce que vous exigez de moi ferait le malheur et le deuil de ma vieillesse… Je me dois au maître que je sers, je me dois au roi, à la cour ! Mes enne-