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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

vos doigts ! Je ne vous connais pas, monsieur le contrôleur général, que venez-vous faire ici ? vous vous êtes trompé, je suis un mulâtre, un pauvre mulâtre qui ne connaît que sa mère ! Elle seule m’a élevé ; elle seule m’a donné de l’ombre et du pain. Encore une fois, qui êtes-vous, vous qui me parlez ? continua-t-il dans un sombre égarement et en se promenant à grands pas, — sinon un pacificateur inconnu qui venez m’arrêter la main quand je la pose sur un glaive ? Laissez-moi partir, monsieur, laissez-moi… l’heure s’avance, votre fils M. le marquis s’impatiente, il attend !

Il avait saisi précipitamment son épée ; il poussa de son pied la porte de la chambre… Noëmi en touchait alors le seuil… Elle se précipita vers lui les bras ouverts ; la négresse accourait ivre de joie… Le jour de con triomphe était enfin assuré ; son regard exprimait à la fois l’amour, le bonheur et le pardon.

— Inclinez-vous, Noëmi, devant M. le contrôleur général, s’écria le chevalier, il m’a tout dit, il consent à me reconnaître pour son fils…… Vous êtes vengée, ma mère !…

L’ironie étrange avec laquelle Saint-Georges articulait ces paroles ne fut point comprise de Noëmi, car elle se jeta, la pauvre femme, aux pieds de M. de Boullogne et les tint longtemps embrassés comme dans un muet remercîment…

La continuité de cette scène laissait le vieillard en proie aux réflexions les plus poignantes, elles faisaient passer alternativement sur sa figure la pâleur de la