arrêté son cheval pour donner à Platon le temps de le joindre… Le pauvre heiduque faisait alors sur sa monture une mine assez piteuse.
Habitué sans doute à de moins rapides caravanes, Joseph Platon arrivait exhalant de sa poitrine le bruit d’un mirliton déchiré. Ses cadenettes dépoudrées par le vent avaient l’air de deux ganses de fiacre usées ; son grand sabre lui battait agréablement les jambes, et ses bottines entraient jusqu’au coude-pied dans ses étriers.
Dès qu’il vit Saint-Georges le prendre en pitié, il lui demanda, comme Sancho à don Quichotte, la permission de déjeuner près d’une fontaine qui bordait la route.
C’était une véritable fontaine d’églogue ; elle avait l’air d’un filet d’argent sur de la mousse, bien qu’elle portât le millésime du grand chemin. La chaleur était intense. Saint-Georges abrita lui-même son cheval sous les ormes de la fontaine, ormes touffus, plantés sans doute par Louis XIV.
Il venait de la plaine un vent doux et frais qui disposait merveilleusement à l’appétit.
Le vénérable heiduque sortit de sa poche un magnifique saucisson qu’il avait irrévérencieusement enveloppé de la Gazette des Gazettes.
— Barbare ! s’écria Saint-Georges, tu ne sais donc pas que la Gazette des Gazettes renferme des énigmes et des charades du savant abbé Domino ! Tiens, passe-la-moi, car en vérité je n’ai pas faim !
Se conformant au désir de son maître, Joseph Platon tendit au chevalier la Gazette des Gazettes.