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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

Saint-Georges était devenue pour elle une insulte impardonnable.

Le chevalier affectait de ne jamais lui adresser la parole dans aucun salon ; jeune et beau, recherché partout, il n’avait pas l’air de se douter qu’elle existât…

Aussi, lorsque Maurice s’approcha de Saint-Georges avec une témérité si folle, la résolution subite du jeune homme fit battre d’abord le cœur de Mme de Langey ; il lui sembla naturel que le marquis se vengeât ; elle sourit à Maurice comme une de ces mères romaines qui armaient elles-mêmes leurs enfans pour le combat. L’insolence de cette supériorité humiliante l’avait toujours irritée ; mais cette fois elle dépassait les bornes. Saint-Georges ne venait-il pas de la railler jusque dans son fils ?

Elle-même, la superbe ! elle ne craignit point de forger pour Maurice cette arme terrible, elle en effila l’acier… Ce fut elle qui lui jeta dans l’oreille ce cruel ressouvenir du coup de fouet de Saint-Domingue, elle qui formula pour le jeune homme jusqu’à l’expression de cette injure !

Quand il la balbutia, les lèvres émues, le visage pâle, la créole manqua de s’évanouir d’orgueil… La vue de cet homme noir était pour la marquise de Langey un perpétuel outrage : elle eût désiré manier le fer comme la chevalière d’Éon, pour l’écarter à tout jamais de son chemin ; c’était un objet de honte et de dégoût pour ses yeux. Nous avons dit que Saint-Georges ne lui faisait pas la cour.

Ce premier enivrement de vengeance une fois