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LA RUE DE L’ORATOIRE.

aussi ; l’édifice que je construis, tu l’abats. Dis maintenant qui est le maître et qui est l’esclave ! À mon tour, mulâtre, n’ai-je pas le droit de sentir en moi l’aiguillon de la révolte ?

— Vous oubliez, Maurice, que nous avons reçu le même baptême. Un prêtre m’a dit alors que la religion chrétienne était un symbole d’égalité. Vous avez un blason, je n’en ai pas ; mais est-ce ma faute à moi si, par ce temps de lassitude, où la nouveauté occupe seule, où le merveilleux et l’inusité triomphent, ces hommes ont couru vers moi les bras ouverts ? Ils ne se sont point appuyés comme vous, pour m’écarter, sur un inflexible orgueil ; plus généreux que vous, ils m’ont suivi dans la lutte où je marchais pareil à l’un de ces gladiateurs antiques qu’encourageait le regard des empereurs. Après tout, marquis, pensez-vous que cette main qui joue avec une épée ne puisse au besoin devenir celle d’un serviteur du pays ? pensez-vous que cet homme que vous avez rencontré au clavecin de la reine à Trianon ne puisse la défendre si on l’attaquait un jour ?

— Pour défendre la reine de France, il faut être noble, monsieur ; et qui êtes-vous, vous qui osez en parler, sinon l’ami et le confident du duc de Chartres ?

Saint-Georges baissa les yeux ; de toutes les injures qui avaient pu labourer son cœur durant ce morne dialogue, celle-ci était la plus vive et la plus saignante.

Il se hâta de reprendre :

— Mais qu’est-ce que ma vie futile près de celle