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LA RUE DE L’ORATOIRE.

par moi ? Soyez tranquille, quoique vous soyez mulâtre, tout marquis que je suis, je vous promets de vous rendre raison…

« Mais encore un coup, continua-t-il en s’apercevant de l’évanouissement d’Agathe, quel hasard infernal vous ramène ici, et qu’avez-vous à me dire ?

— J’ai à vous dire, marquis de Langey, que vous vous êtes conduit ce soir avec moi comme le dernier de vos domestiques —, j’ai à vous dire que je vous donne deux jours pour vous préparer à paraître devant moi et devant Dieu !…

L’accent lugubre de Saint-Georges, sa chevelure en désordre, l’air égaré avec lequel il entrait à cette heure de nuit dans la chambre d’Agathe, comme si la main de quelque magicien damné l’y eût introduit, tout imprimait à cette scène un caractère inouï de solennité… Maurice sentit son cœur tellement oppressé par le poids de ces paroles qu’il n’y répondit que par un cri intraduisible de rage… L’état d’Agathe avivait encore sa colère : pâle, inanimée, la jeune fille avait laissé tomber sa tête sur le coussin d’un large sopha…

Saint-Georges venait alors de s’en approcher, il avait débouché un flacon de sels et le lui présentait, quand Maurice écarta son bras violemment.

— Hors d’ici, mulâtre, ne sais-tu pas que ton seul contact est un outrage ?

» Que viens-tu faire ici ? reprit-il ; tu n’as sur cet ange aucun droit… C’est une fable que cette attaque nocturne dont tu parles… Qui t’a révélé cette de-