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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

les pieds de celui qui l’occupait dépassaient le bois, un homme reposait, si toutefois on peut nommer repos les spasmes douloureux qui agitent les moindres fibres d’un malade. Sa tête, d’un brun foncé, se détachait avec vigueur sur un large oreiller blanc ; sa bouche restait ouverte, et des gouttes de sueur découlaient de son front pâle. Sous ses lèvres violettes il était facile d’entendre le choc nerveux de ses dents, qui claquaient la fièvre ; il passait à plusieurs reprises sa main sur sa tête et sur ses yeux…

Dans l’espèce d’alcôve sans rideaux où était placé le lit, l’œil distinguait plusieurs lettres attachées avec des épingles au papier de la muraille… des lettres de femmes sans doute, car l’écriture en était fine et déliée, le papier choisi, et aucune n’avait de signature. Elles commençaient toutes par ces mots : « Cher Saint-Georges, Saint-Georges adoré, cher ange, cher amour, » formules variées et reproduites dans le cours de chaque lettre à l’infini.

Deux fleurets entrecroisés, retenus par un vieux nœud de soie blanche, avaient l’air de protéger contre toute attaque cette tapisserie improvisée. Auprès de la cheminée il y avait un cadre fort simple en bois de sapin c’était le portrait au bistre du chevalier[1]; il était signé Carle Vernet.

Plusieurs de ces esquisses au crayon que les peintres nomment pochades, avec trop de modestie,

  1. Plusieurs maîtres d’armes, entre autres MM. Grisier et Coulon, possèdent encore à cette heure le portrait de Saint-Georges. Celui de M. Grisier, que nous avons vu dans la salle, le représente en habit rouge et en poudre ; il tient un gros